L’IA souveraine, existe-t-elle vraiment ?

Le sommet pour l’IA en cette semaine de février 2025 constitue une occasion inespérée d’invoquer encore et toujours notre souveraineté et montrer que l’Europe et la France peuvent tracer leur propre route dans ce monde aujourd’hui dominé par les Etats-Unis et la Chine, nouveaux rivaux planétaires.

Mais qu’en est-il vraiment ?

Dessin d'un GPU dessiné par Microsoft Copilot

Le sommet pour l’IA en cette semaine de février 2025 constitue une occasion inespérée d’invoquer encore et toujours notre souveraineté et montrer que l’Europe et la France peuvent tracer leur propre route dans ce monde aujourd’hui dominé par les Etats-Unis et la Chine, nouveaux rivaux planétaires.

Mais qu’en est-il vraiment ?

Force est de constater qu’une intelligence artificielle souveraine, cela ne veut pas dire grand chose.

Comment définir précisément l’intelligence artificielle ?

En admettant qu’une IA souveraine soit possible, il faudrait d’abord convenir de ce qu’est l’intelligence artificielle. Réduire l’IA aux IA Génératives est une première erreur majeure. Depuis que j’ai commencé mon voyage initiatique en 2021 dans ce domaine de recherche, il ne s’est pas passé un trimestre sans que je ne découvre de nouveaux sujets, de nouvelles disciplines, de nouvelles variantes.
En fait, les IA Génératives, tant prisées de nos politiques, par leur côté spectaculaire, ne sont qu’une partie finalement restreinte d’un domaine complexe, foisonnant et magnifique, tant l’exploration ne semble avoir jamais de fin: les algorithmes d’optimisation, le Web sémantique, les graphes de connaissances, tous avec leurs innombrables variantes. On ne se lasse pas de découvrir ce que le cerveau humain peut produire.
Si vous voulez vous faire une idée plus précise, allez jeter un coup d’oeil sur ce livre en ligne publié par un groupe de recherche du CNRS: « IA, de quoi s’agit-il? », dont voici le LIEN.

Une chaîne de valeur mondiale

Le plus difficile à appréhender est peut-être encore la chaîne de valeur de l’IA, puisque cette chaîne de valeur est mondiale.

Commençons par la fabrication du matériel

Depuis les terres rares, éléments constitutifs de tout composant électronique moderne, provenant de la République Démocratique du Congo et autres pays où l’exploitation minière fait encore partie du quotidien, jusqu’aux fabricants de calculateurs, en passant par les concepteurs et les fabricants de puces à haute performance et bien d’autres intervenants, la chaîne est intrinsèquement mondiale: aucun pays ne saurait dire qu’il contrôle la totalité de cette chaîne, sauf peut-être les U.S.A, ce qui permet de comprendre au passage leur appétit pour les terres rares du Groenland.

Nous pouvons compléter cette perspective en citant le document cadre publié par l’administration Biden en janvier 2025, juste avant qu’il ne quitte ses fonctions: ce document-cadre contingente l’accès de chaque pays aux puces les plus performantes. Fort heureusement, contrairement à certains pays européens comme le Portugal ou la Suisse, la France est épargnée, mais rien n’indique qu’il en sera toujours ainsi, surtout avec la nouvelle administration américaine qui est prête à utiliser tous les leviers à sa disposition pour faire valoir ses vues.

La matière grise est mondiale

Lorsque l’on regarde les trajectoires universitaires et professionnelles des chercheurs et chercheuses en IA, on ne peut que constater une forme d’universalisme: le savoir s’échange en permanence, que ce soit au sein de forums spécialisés, par la publication de papiers de recherche que la communauté va décortiquer ou bien encore par la publication de bibliothèques en Open Source (même si Luc Ferry n’aime pas ça).

A ce propos, même les géants américains font largement appel aux universitaires français pour les aider dans leurs travaux. Certains noms sont suffisamment présents sur la place publique pour ne pas les citer ici.

Où est la souveraineté, alors ?

Eh bien, dans ce système mondialisé, la souveraineté est partout et nulle part, précisément, d’autant que personne ne dit de quelle souveraineté on parle et surtout pas de ses limites.

En revanche, la réalité est que l’excellence de la recherche française en informatique comme en mathématiques permet d’affirmer qu’il existe des domaines où notre pays s’affirme clairement dans le peloton de tête, mais d’abord grâce à cette ouverture sur le monde.

Après, si on limite la souveraineté à avoir en France le siège d’entreprises performantes et pionnières, alors il conviendrait d’avoir une vision un peu plus large que les IA génératives, parce que l’IA c’est un domaine bien plus vaste !

Qu’en conclure ?

Eh bien, il ne faudrait pas que dans la course aux ressources financières on se concentre sur un ou deux champions d’aujourd’hui, tout en oubliant, obnubilés par l’actualité politique tous les autres volets de l’IA qui contribuent à notre rang mondial.

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Auteur : Fabrice Jaouën

Blog personnel portant sur les sujets d'intelligence artificielle et de société.

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