L’IA détruit-elle déjà des emplois ?

Aujourd’hui l’IA ne détruit pas les emplois, elle les transforme. Nous devons impérativement prendre de la distance avec ces déclarations justifiant des licenciements massifs, la fin de certains métiers au nom de l’IA et dissiper l’ignorance qui nous amène à lui attribuer des mérites qu’elle n’a pas et que ses plus grands experts ne lui ont jamais attribué.

Pourquoi l’IA détruirait-elle brutalement des emplois, comme nous l’avons récemment lu dans la presse avec la décision d’Onclusive de se séparer d’environ 40% de ses salariés basés à Courbevoie ?
Les solutions faisant appel à l’intelligence artificielle sous ses différentes formes se généralisent dans quasiment tous les secteurs économiques depuis de nombreuses années et n’ont pas provoqué jusqu’à présent de tsunami social équivalent à celui que le magazine Capital décrit dans cet article: LIEN

En fait nous sommes un peu dans une situation du type X-Files: la vérité est ailleurs…

Le premier réflexe salutaire à avoir consiste à prendre avec des pincettes toute déclaration tonitruante sur l’IA, qu’il s’agisse de la découverte de la pierre philosophale ou bien encore d’un plan social.

La magie de l’IA

Depuis quelques mois nous assistons à une frénésie sur ce sujet alors que l’IA est présente dans notre quotidien et a déjà largement changé notre quotidien: Waze, Google Maps, Criteo, la médecine, l’aéronautique, l’industrie automobile et bien d’autres secteurs d’activités utilisent des IA depuis des années sans que cela n’ait provoqué de destruction massive et brutale d’emploi. Alors pourquoi ce serait différent maintenant ?

L’IA revêt un côté magique qui nous renvoie aux mythes ancestraux alors qu’il s’agit d’abord d’une science, dans toute sa complexité et sont caractère intrinsèquement empirique et expérimental.

En fait c’est là que la magie de l’IA opère, car on lui attribue tous les torts et mérites des changements voulus ou subis : on licencie à cause de l’IA, on fait pleuvoir grâce à l’IA, on s’attaque au réchauffement climatique grâce à l’IA (ou l’inverse, elle contribue au réchauffement, ça dépend des jours et des auteurs). Alors que dans les siècles passés on invoquait les saints pour résoudre ou expliquer les malheurs du temps, aujourd’hui on se prosterne devant Alan Turing, Yann LeCun et bien d’autres idoles païennes (alors qu’ils n’ont rien demandé à personne et sont réellement les premiers à nous rappeler à la raison).

Cette magie naît de notre ignorance

Finalement, hormis ceux et celles qui travaillent depuis des années sur l’intelligence artificielle, nous n’en savons pas grand chose. Qui plus est, les résultats produits par les IA sont ne peuvent être aisément explicables et ne sont pas reproductibles: un prompt sur ChatGPT (Grand Prix 2023 de la tarte à la crème) ne produira jamais exactement le même texte.

Nous pourrions aller plus loin en affirmant que les IA de notre quotidien sont essentiellement le fruit de tâtonnements, de travaux empiriques et laborieux pour s’approcher de résultats jugés satisfaisants. Mais ces résultats deviennent à nos yeux crédules parole d’évangile, car ils sont péremptoires et surtout dans le cas des IA de génération de texte.

Cette magie est entretenue par des vendeurs de potion magique

Les boomers comme moi connaissent tous Lucky Luke et notamment le volume intitulé « L’Elixir du Dr Doxey ».

Le problème apparaît lorsqu’un intervenant présente une explication pseudo-scientifique du modèle d’IA qu’il promeut par ailleurs, par intérêt commercial, pour se mettre en avant, que sais-je. Par exemple, c’est le cas des experts auto-proclamés des prompts de ChatGPT.

Ils ou elles peuvent parfaitement proposer leurs produits, mais si nous ne comprenons pas un minimum comment fonctionnent les modèles d’IA, notamment générative, nous allons leur attribuer des mérites qu’elles n’ont pas: ces IA s’expriment avec assurance, sur des sujets variés et instantanément. Nous sommes bluffés.
Notre discernement est altéré…
Et nous sommes ensorcelés par cette magie que j’ai décrite auparavant.

L’IA ne détruit pas d’emplois

En fait les modèles d’IA ne détruisent pas d’emplois: ils les valorisent, car ils ont besoin d’humains pour décrypter les résultats, les relativiser, identifier les anomalies, construire un raisonnement, mettre en place une logique, bref, pour accomplir tout ce pour quoi nous avons été créés: nous ne sommes pas des perroquets !

Et c’est exactement là que cela dangereux: la décision est biaisée, faussée et produira donc des résultats totalement imprévisibles et rarement favorables…

En fait, l’IA peut détruire de la valeur

Le plus grand danger qui nous guette est une approche où l’on prétendrait que l’IA est la nouvelle pierre philosophale. S’appuyer aveuglément sur l’IA avant de prendre une décision majeure est donc particulièrement dangereux.
Pour décider, nous devons avoir la certitude de la justesse des arguments pour et contre, nous devons pouvoir nous appuyer en toute confiance sur les responsables fonctionnels, qui chacun dans leur domaine, doivent être capables d’argumenter leurs propositions.

Or un IA ne sait pas argumenter: elle sait juste affirmer et elle ne sait même pas pourquoi elle l’affirme…

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Auteur : Fabrice Jaouën

Blog personnel portant sur les sujets d'intelligence artificielle et de société.

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