Décider avec les Données : Enjeux et Défis pour le Management

Comment définir une organisation centrée sur la donnée ? Quelques clés de compréhension…

En pleine torpeur estivale, celui qui était encore un ami m’a posé une question qui depuis me tourmente : « Dis-moi, Fabrice; peux-tu me dessiner une organisation data-centrée ? »
Transpirant à grosses gouttes, je lui ai demandé un délai de réflexion, surtout pour tenter d’éviter l’obstacle.
Mais après avoir été relancé à moult reprises, j’ai posé la question à Microsoft Copilot qui m’a pondu une magnifique illustration qui ne veut pas dire grand chose, en fait.
Du coup, je me suis lancé dans une tentative qui mérite vos critiques.

Ça doit en valoir la peine

S’organiser autour de la donnée, c’est toujours compliqué: c’est du travail, ça bouscule les habitudes et on ne sait pas vraiment ce que cela veut dire.

Pour avoir un début de réponse, il convient alors de se demander où cela vaut-il la peine de s’organiser autour des données et donc par rebond, de se poser quelques questions :

  • Qu’est-ce qui crée de la valeur et génère des données dans mon organisation ? Si vous visez à devenir une organisation dite « data-centrée », aller sur les fonctions support n’est pas l’essentiel: il faut aller là où se crée la valeur. Evidemment.
  • Où se trouvent ces données et à qui appartiennent-elles dans mon organisation ?
  • Est-ce que ces données sont exploitables par des outils statistiques, ou d’intelligence artificielle pour me permettre d’en extraire des informations intéressantes m’aidant à piloter mon organisation ?
  • Quel est mon objectif ? Pourquoi me donner tant de mal à exploiter mes données ?
    Petite précision: l’objectif doit être chiffré, sinon, c’est trop facile, n’est-ce pas ?

En effet, pour savoir si travailler en s’appuyant sur les données en vaut la peine, il faut d’abord se demander « pour quoi faire ? ». Il faut que cela en vaille la peine et en valoir la peine, c’est aussi évaluer le travail à faire, son coût et surtout les progrès effectués au fil du temps.

Admettons que tous le feux sont au vert et que vous avez décidé de vous lancer. La deuxième étape consistera à savoir gérer son temps… et ce n’est guère aisé.

Savoir prendre son temps

Un autre point majeur est la gestion du temps : les obstacles et les imprévus sont nombreux. Prétendre passer d’une organisation verticale ou en silos à une organisation dite « data-centrée » en moins de cinq ans devrait inquiéter l’actionnaire.

Pourquoi ? Ces obstacles sont nombreux et il faudra les vaincre les uns après les autres. En voici quelques uns:

  • Les investissements: savoir exploiter la donnée nécessite une infrastructure informatique adéquate et sécurisée.
  • Les ressources humaines: vous aurez besoin de recruter des gens capables d’extraire des informations pertinentes de ces données et comme c’est souvent à iso-périmètre, quels sont les métiers qui vont devoir évoluer ou se transformer ?
  • Les processus: si dans vos processus de création de valeur, vous en êtes encore au document imprimé puis signé à la main avant d’être scanné pour être envoyé par e-mail, c’est mal barré.
  • La communication : tous ceux et celles qui appartiennent à cette chaîne de valeur doivent contribuer et donc se sentir impliqué. Si les échelons managériaux sont essentiels, négliger celui ou celle à qui l’on demande depuis 20 ans d’imprimer le formulaire afin de le remplir à la main pour le mettre ensuite dans un parapheur, eh bien, il ou elle aura du mal à admettre que tout passe dans un workflow numérique.

S’appuyer sur les données pour décider

La tâche la plus complexe revient certainement au management, puisqu’il doit, horreur, malheur, consentir à limiter le recours aux mots magiques de « Leadership », « Charisme » et « Intuition » pour recourir aux informations fournies par les données pour appuyer ses décisions.

Bien sûr, rien n’interdit aux managers de contredire dans leurs choix les propositions qui leur sont faites, mais ils devront accepter de les justifier, de les expliciter. Jamais la phrase de De Gaulle sur l’importance de l’éloignement dans l’exercice de l’autorité n’aura été aussi fausse.

Pourtant ce n’est pas aussi simple: les données peuvent être incomplètes ou peu judicieuses, les agrégats peuvent être tendancieux et la visualisation peut être orientée pour mettre en valeur certains points et en occulter d’autres, plus sujets à controverse.

Les points à résoudre sont donc les suivants, en admettant que l’on dispose au préalable de toute la chaîne de valorisation de la donnée :

  • Dans quelle mesure les managers sont eux-mêmes prêts à décider sur la base des données objectives ?
  • Le style de management permet-il la contradiction ? En effet, quand la verticalité domine, la présentation des données sera orientée en fonction des attentes du chef, histoire d’avoir la paix…
  • La transversalité, qui permet de croiser les données et donc de les valoriser davantage, doit être valorisée au détriment des rivalités et luttes d’influence. Est-ce que cette organisation en est seulement capable ? Si l’usage de la donnée est d’abord le moyen d’élargir son périmètre au détriment des autres, c’est mal parti…
  • Quelle est la temporalité du dirigeant ? La transformation vers une organisation centrée sur la donnée constitue d’abord un choix stratégique, portant sur des années, bien souvent au delà du mandat du dirigeant, qui doit lui donner l’impulsion initiale.
    Rien ne sert de s’y lancer si le sujet a vocation à passer de mode… il s’agit bien d’un choix majeur et irrévocable.

Conclusion

Définir une organisation centrée sur la donnée n’est pas chose aisée.

Lister la totalité des points de passage obligés ne l’est guère plus: tout est fonction de l’organisation, de son coeur de métier, de la rigidité de ses habitudes et de son fonctionnement…

Donc, on ne peut que souhaiter qu’encourager ceux et celles qui souhaitent s’y lancer, car c’est un long chemin.

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Auteur : Fabrice Jaouën

Blog personnel portant sur les sujets d'intelligence artificielle et de société.

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