Le Sommet pour l’IA : le chantage de l’ami américain

Le nouveau vice-président Américain, J.D. Vance a eu l’immense mérite d’être particulièrement clair lors de l’allocution qu’il a prononcée le 11 février dernier lors du sommet mondial pour l’IA : soit on se plie, soit on trouve les USA sur notre chemin.
En l’écoutant attentivement, son intervention d’un quart d’heure était en fait à quatre niveaux : un message pour l’électorat ouvrier américain, un autre de soutien à la Big Tech et aux GAFAM, un troisième de réaffirmation du leadership américain sur l’IA et un quatrième en direction des Européens: soit vous montez à bord, soit on s’occupera de vous couper les ailes.

C’est ce que nous allons détailler dans cet article de blog.

Intervention de J.D. Vance le 11 février 2025 – Vidéo en ligne sur la chaîne YouTube de Fox TV

Le soutien à la classe ouvrière américaine

Evidemment, le vice-président américain s’adresse à son électorat ouvrier et modeste, qui constitue la base du mouvement MAGA (Make America Great Again), dans le but de le rassurer sur leur avenir dans un monde dominé par l’omniprésence de l’intelligence artificielle.

Finally, this administration wants to be very clear about one last point: we will always center American workers in our AI policy. We refuse to view AI as a purely disruptive technology that will inevitably automate away our labor force. We believe, and we will fight for policies that ensure, AI makes our workers more productive.

J.D Vance – 11 février 2025

Pourtant, il n’a jamais été avéré que l’IA allait développer l’emploi, ni même le détruire. Mais c’est une crainte réelle et largement partagée.

On sait en revanche que nombre de professions devraient être affectées, mais comment et dans quelle mesure, il est bien trop tôt pour le dire, comme le reconnaît d’ailleurs l’OCDE dans son rapport de 2023.

Soutenir les GAFAM contre les règlements européens

On a l’habitude de s’amuser des règlements européens avec cette boutade qui tourne dans les milieux d’affaires : « L’américain innove, le chinois copie et l’européen règlemente ». Il s’agit là d’illustrer comment l’Europe bride le monde du business en l’entravant dans la liberté d’entreprise.

On peut noter que J.D Vance a renversé d’un revers de la main cet argument, tout en le réaffirmant.

Now, U.S. innovators of all sizes already know what it’s like to deal with onerous international rules. Many of our most productive tech companies are forced to deal with the EU’s Digital Services Act and the massive regulations it created about taking down content and policing so-called misinformation.

J.D. Vance – 11 février 2025

Disons donc les choses simplement : il souhaite l’allègement des règlements européens, non pas pour favoriser le développement du secteur de l’IA en Europe, mais bien pour ouvrir largement notre marché aux entreprises américaines. Les dirigeants des GAFAM ont eu totalement raison de faire allégeance à la nouvelle administration: la Maison Blanche se met à leur service.
Le combat de dernière minute de la France contre l’entrée en vigueur du règlement européen sur l’IA fin 2023 est en ce sens la parfaite illustration soit de notre naïveté face aux américains, soit de notre conviction qu’ils sont des partenaires commerciaux et industriels respectueux du Vieux Continent.
Si je peux vous rassurer, eh bien non.

Le leadership américain sur les technologies de pointe ne saurait être contesté

Si on se plonge un peu plus dans les sujets d’actualité sur l’intelligence artificielle, il y a encore quelques semaines, le gouvernement portait haut l’étendard de la souveraineté. Particulièrement clair et sans détours, le vice-président J.D. Vance a éteint ce discours: les processeurs les plus performants sont conçus aux U.S.A. et ont d’abord vocation à servir les intérêts américains.

The US possesses all components across the full AI stack—including advanced semiconductor design, frontier algorithms, and of course transformational applications. Now, the computing power this stack requires is integral to advancing AI technology. And to safeguard America’s advantage, the Trump administration will ensure that the most powerful AI systems are built in the US with American-designed and manufactured chips.

J.D. Vance – 11 février 2025

Tout au long de son propos les mêmes termes sont repris : les U.S.A. veulent bien des partenaires européens, mais à leurs conditions, c’est-à-dire une réglementation européenne favorable aux intérêts américains et surtout, le renoncement à tous les outils de régulation, comme le RGPD et autres règlements correspondants à notre modèle de société, où la haine en ligne est bannie.

Une menace voilée en direction des européens

En mettant en relation les deux allocutions de J.D. Vance à l’occasion du sommet de Paris sur l’IA et de la conférence de sécurité de Munich, il est aisé de constater la cohérence idéologique qui est la sienne : il considère comme des régimes autoritaires ceux qui brident la liberté d’expression selon l’acception de l’administration américaine actuelle.

Now, we’ve also watched as hostile foreign adversaries have weaponized AI software to rewrite history, surveil users, and censor speech.

J.D. Vance – 11 février 2025

Et pour conclure, il nous rappelle, s’il était besoin, que l’administration Trump ne lâchera rien.

Quelle échappatoire ?

En fait, il y en a peu. Sauf peut-être à arrêter de se focaliser sur les data centers et les super calculateurs et à travailler sur les IA qui nous rendent moins dépendants des américains.

N’oublions pas ce qu’a fait l’administration Reagan en son temps: en lançant l’Initiative de Défense Stratégique, communément appelée la Guerre des Etoiles, il a lancé l’URSS dans une compétition mortifère en accélérant sa ruine, puis sa chute

Voulons-nous vraiment nous lancer dans la compétition avec les américains ou pensons-nous être assez forts pour penser différemment et ne pas nous laisser entraîner ?

Après tout, les élections de mi-mandat aux U.S.A. sont dans moins de deux ans !

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Auteur : Fabrice Jaouën

Blog personnel portant sur les sujets d'intelligence artificielle et de société.

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